EuG: Kommission hat bei ernsthaften Zweifeln das förmliche Prüfverfahren zu eröffnen
EuG, Urteil von 25.11.2014 – T-512/11, Ryanair/KOM
1) La décision C (2011) 4932 final de la Commission, du 13 juillet 2011, en ce qu’elle constate que l’absence d’application de la taxe irlandaise sur le transport aérien aux passagers en transit et en correspondance ne constitue pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE [aide d’État SA.29064 (2011C ex 2011/NN)], est annulée.
2) La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Ryanair Ltd.
3) La République fédérale d’Allemagne et l’Irlande supporteront leurs propres dépens.
Antécédents du litige
1 Le 30 mars 2009, les autorités irlandaises ont introduit un droit d’accise, appelé « taxe sur le transport aérien » (ci-après la « TTA »), dont les exploitants de lignes aériennes sont redevables à compter de la date susmentionnée pour « chaque départ d’un passager sur un avion depuis un aéroport » situé en Irlande. La base juridique nationale sur laquelle repose cette taxe est l’article 55, paragraphe 2, du « Finance (No. 2) Act 2008 » (la deuxième loi de finances de 2008, ci-après la « loi de finances »).
2 Il ressort de l’article 55, paragraphe 1, de la loi de finances que la définition du terme « passager » dispense les passagers en correspondance ou en transit du paiement de la taxe. En vertu de cette disposition, un passager en correspondance est « un passager qui arrive sur un vol à destination d’un aéroport et qui repart de cet aéroport sur un vol autre qu’à destination de l’aéroport où son voyage a commencé, les deux vols faisant l’objet d’une seule et même réservation et la durée entre l’heure d’arrivée prévue du vol à destination de l’aéroport et l’heure de départ prévue du vol au départ de cet aéroport ne dépassant pas six heures ». De même, un passager en transit est « un passager qui se trouve à bord d’un aéronef atterrissant à un aéroport au cours de son voyage et qui poursuit ce voyage sur ce même aéronef ».
3 Au moment de son introduction, la TTA était perçue sur la base de la distance entre l’aéroport de départ et l’aéroport d’arrivée et fixée, respectivement, à deux euros, dans le cas d’un vol vers une destination située à une distance maximale de 300 km de l’aéroport de Dublin (Irlande), et à dix euros dans les autres cas. À la suite d’une enquête de la Commission européenne concernant une éventuelle infraction au règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO L 293, p. 3), et aux dispositions du traité FUE sur la libre prestation de services, les autorités irlandaises ont modifié, à compter du 1er mars 2011, les taux applicables, en créant un taux unique applicable à tous les départs, soit une taxe de 3 euros quelle que soit la distance parcourue.
4 Le 21 juillet 2009, la Commission a enregistré une plainte déposée par la requérante, Ryanair Ltd, au titre de l’article 20, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] CE (JO L 83, p. 1), concernant plusieurs aspects de la TTA instaurée par l’Irlande.
5 Dans cette plainte, la requérante a fait notamment valoir que l’absence d’application de la TTA aux passagers en transit et en correspondance constituait une aide d’État illégale au profit des compagnies aériennes Aer Lingus et Aer Arann, car celles-ci comptaient une part relativement élevée de passagers et de vols correspondant à ces catégories. Dans la plainte, a également été évoqué le fait que le montant forfaitaire de la taxe représentait une part plus importante du prix tarifaire pour les compagnies à bas coûts que pour les compagnies aériennes traditionnelles. Enfin, la requérante a affirmé que le taux d’imposition plus faible en fonction de la distance parcourue favorisait Aer Arann étant donné que 50 % des passagers transportés par cette compagnie voyageaient vers des destinations situées à moins de 300 km de l’aéroport de Dublin.
6 Le 28 juillet 2009, la Commission a transmis la plainte de la requérante aux autorités irlandaises, accompagnée d’une demande visant à connaître leur position quant aux allégations de la requérante.
7 Par lettre du 26 août 2009, les autorités irlandaises ont demandé à la Commission une prolongation du délai de réponse, qui a été accordée par cette dernière le 3 septembre 2009.
8 Par lettre du 15 octobre 2009, les autorités irlandaises ont fourni leur réponse à la Commission.
9 Par la décision C (2011) 4932 final, du 13 juillet 2011 (ci-après la « décision attaquée »), adoptée à l’issue d’une phase préliminaire d’examen, au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la Commission a, notamment, constaté que l’absence d’application de la TTA aux passagers en correspondance ou en transit ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En revanche, elle a considéré que l’application d’un taux national plus bas entre le 30 mars 2009 et le 1er mars 2011 semblait constituer une aide d’État soulevant des questions quant à la compatibilité avec le marché intérieur, dans la mesure où cela favoriserait de manière illicite les vols nationaux par rapport aux vols transfrontaliers. Elle a, par conséquent, ouvert la procédure formelle d’examen concernant cette dernière mesure.
10 Selon la Commission, l’absence d’application de la TTA aux passagers en correspondance et en transit semble faire partie du système de référence, qui est le paiement de la taxe par les passagers aériens décollant d’un aéroport situé en Irlande. Dans le cadre de son analyse visant à déterminer si la mesure contestée était justifiée par les principes de base de la TTA, la Commission a rappelé, au point 30 de la décision attaquée, que, selon les autorités irlandaises, « l’exemption [étai]t conforme à la logique du régime fiscal de référence pour des raisons de neutralité du point de vue du passager, qui ne peut pas toujours déterminer lui-même l’itinéraire vers sa destination finale ».
11 Ensuite, elle a également rappelé, au point 31 de la décision attaquée, que, dans son document de travail interne sur la possibilité d’instaurer une taxe sur le transport aérien européenne [annexe à une possible contribution fondée sur les billets des compagnies aériennes comme nouvelle source de financement de l’aide au développement : réflexions techniques lors de la préparation de l’événement de haut niveau de l’ONU, du 1er septembre 2005, SEC (2005) 1067 (ci-après le « document de travail interne »)], il était recommandé d’exclure, pour des raisons de neutralité et pour éviter tout risque de double imposition, les passagers en transit et en correspondance du champ d’application d’une éventuelle taxe sur le transport aérien. Eu égard à ces éléments, la Commission a conclu, au point 32 de la décision attaquée, que la mesure contestée était inhérente à la nature et à la logique du système de référence étant donné qu’elle permettait de taxer les passagers de manière identique, quel que soit l’itinéraire parcouru, et qu’elle permettait ainsi d’éviter que la TTA ne fût perçue deux fois au cours d’un voyage vers une destination finale.
12 Par conséquent, la Commission a affirmé, au point 32 de la décision attaquée, que la mesure contestée n’était pas sélective, avant de conclure, aux points 37 et 42 de la décision attaquée, qu’elle ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
Procédure et conclusions des parties
13 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 septembre 2011, la requérante a introduit le présent recours.
14 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 janvier 2012, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.
15 Par ordonnance du 13 février 2012, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis la République fédérale d’Allemagne à intervenir.
16 La République fédérale d’Allemagne a déposé son mémoire en intervention le 27 mars 2012. Les 30 mai et 4 juin 2012, la Commission et la requérante ont, respectivement, présenté leurs observations sur ledit mémoire en intervention.
17 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 septembre 2012, l’Irlande a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.
18 Par ordonnance du président de la sixième chambre du Tribunal du 22 octobre 2012, l’Irlande a été admise à intervenir au titre de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal.
19 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
20 Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal (neuvième chambre) a, par lettre du 19 novembre 2013, demandé à la Commission de produire la lettre des autorités irlandaises datée du 15 octobre 2009 (ci-après la « lettre des autorités irlandaises »). La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.
21 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.
22 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 30 avril 2014.
23 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler partiellement la décision attaquée, en ce qu’elle constate que l’exonération de la TTA accordée aux passagers en transit et en correspondance ne constitue pas une aide d’État ;
– condamner la Commission aux dépens ;
– adopter toute autre mesure qu’il estimera appropriée.
24 Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a précisé qu’elle retirait son troisième chef de conclusions, ce dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience.
25 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
26 Au soutien des conclusions de la Commission, la République fédérale d’Allemagne et l’Irlande concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme étant non fondé.
En droit
27 La requérante soulève trois moyens à l’appui de son recours. Elle reproche à la Commission, premièrement, d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation et une erreur de droit en concluant que la mesure contestée n’était pas une aide d’État, deuxièmement, de ne pas avoir ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en dépit des difficultés sérieuses rencontrées et, troisièmement, d’avoir violé son obligation de motivation.
28 Il convient de préciser d’emblée que, ainsi qu’en est convenue la Commission et sans que cela soit contesté par les intervenantes, la requérante, en tant que concurrent direct des autres compagnies aériennes assujetties à la TTA et prétendument bénéficiaires de la mesure contestée, est une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.
29 Il y a donc lieu de relever, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les arguments de la requérante qui sont relatifs à l’affectation substantielle de sa position concurrentielle par la mesure contestée, qu’elle est recevable à agir en annulation de la décision attaquée, afin de sauvegarder ses droits procéduraux découlant de ladite disposition, ainsi qu’elle le fait valoir par le second moyen de son recours.
30 D’ailleurs, il convient de préciser que, lors de l’audience, la Commission a indiqué qu’elle se désistait de la fin de non-recevoir, opposée dans ses écritures, à l’égard des premier et troisième moyens, ce dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience.
31 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision déclarant que la mesure en cause n’est pas une aide d’État ou d’une décision de ne pas soulever d’objections, il met en cause essentiellement le fait que la décision prise par la Commission à l’égard de l’aide en cause a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen, violant ce faisant ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, la partie requérante peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure en cause, aurait dû susciter des doutes quant à sa qualification d’aide d’État ou à sa compatibilité avec le marché intérieur. L’existence de doutes à cet égard est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C-83/09 P, Rec, EU:C:2011:341, point 59 et jurisprudence citée, et du 13 juin 2013, Ryanair/Commission, C-287/12 P, EU:C:2013:395, point 60).
32 Le Tribunal examinera dès lors l’ensemble des moyens soulevés par la requérante, en lisant conjointement le premier et le deuxième, afin d’établir s’ils sont de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure contestée, aurait dû susciter des doutes de la part de la Commission quant à la qualification de ladite mesure d’aide d’État.
Sur les premier et deuxième moyens, tirés, respectivement, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une erreur de droit en ce qui concerne la constatation selon laquelle la mesure contestée ne constitue pas une aide d’État, et du défaut d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE
33 Dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante fait valoir que la Commission aurait dû éprouver des « doutes sérieux » quant à la compatibilité de l’exonération de la TTA pour les passagers en transit et en correspondance, justifiant l’ouverture de la procédure formelle d’examen. Pour étayer ce moyen, elle évoque des indices tenant, d’une part, à la durée de la procédure préliminaire d’examen et, d’autre part, au contenu de la décision attaquée.
34 S’agissant, en premier lieu, de la durée de près de 24 mois de la procédure préliminaire d’examen, la requérante fait valoir que celle-ci a été excessive et déraisonnable et est révélatrice de l’existence des difficultés sérieuses rencontrées par la Commission lors de la procédure préliminaire d’examen.
35 S’agissant, en second lieu, du contenu de la décision attaquée, la requérante renvoie explicitement aux arguments qu’elle a soulevés dans le cadre du premier moyen, qui feraient apparaître des incohérences et des inexactitudes dans l’analyse de la Commission. Selon la requérante, la Commission a omis de définir les principes de création de recettes, de prévention de la double imposition et de neutralité fiscale et en a fait une application incorrecte dans la décision attaquée. Le caractère insuffisant et incomplet de l’analyse de la Commission constituerait un indice de l’existence des difficultés sérieuses rencontrées au cours de l’examen préliminaire et des « doutes sérieux » éprouvés en définitive par la Commission quant à la compatibilité de la mesure contestée. Le caractère incomplet et insuffisant de cet examen serait, en outre, confirmé par le courriel d’un fonctionnaire irlandais précisant, en réponse à une question d’un fonctionnaire de la Commission, quel était le montant de la TTA à payer, durant la période allant de l’entrée en vigueur de la mesure jusqu’au 1er mars 2011, pour un vol desservant les États-Unis avec une escale à Shannon (Irlande).
36 Plus particulièrement, la requérante reproche à la Commission de s’être fondée sur un document de travail interne, ayant trait à la possibilité d’instaurer une nouvelle taxe sur le transport aérien européenne, pour démontrer que l’exonération de la TTA accordée aux passagers en transit et en correspondance faisait partie du système de taxation et n’était pas sélective. Ce document ne serait pas du tout pertinent, d’autant plus qu’il ferait une distinction entre les passagers en transit et ceux en correspondance et n’exclurait pas que ces derniers puissent être soumis à la taxe sur le premier ou le second vol, voire les deux. Dans ce contexte, la requérante reproche également à la Commission d’avoir comparé à tort la TTA au droit sur le transport de passagers aériens (Air Passenger Duty, ci-après l’« APD ») en vigueur au Royaume-Uni, les conditions d’application de ces deux taxes étant différentes.
37 En outre, la requérante fait valoir que la seule interprétation plausible de l’exonération du paiement de la TTA est celle selon laquelle le passager en correspondance exonéré est celui qui, dans l’exemple figurant au point 9 de la décision attaquée, arrive à Shannon en provenance de Dublin et repart de Shannon vers New York (États-Unis) sur un autre vol, alors que le passager en transit exonéré est celui qui, suivant le même exemple, est à bord d’un avion atterrissant à Shannon, en provenance de Dublin, et continue son voyage à bord du même avion vers New York.
38 Or, ce serait à tort que la Commission a conclu que la mesure contestée n’était pas sélective, car elle était inhérente à la logique et à la nature du système fiscal.
39 En effet, il résulterait de la décision attaquée que les principes directeurs de ce système sont la création de recettes, tout en évitant une double taxation et en respectant le principe de neutralité fiscale.
40 Premièrement, s’agissant de la création de recettes, la requérante estime que, l’objectif de la taxe étant de générer des recettes pour le budget de l’État, l’instauration d’une exception concernant un fait générateur de taxation serait contraire à cet objectif et ne serait pas conforme à la logique du système.
41 Deuxièmement, selon la requérante, l’exonération de la TTA accordée aux passagers en transit et en correspondance ne peut se fonder sur la nécessité d’éviter la double taxation. En effet, en règle générale, les mesures nationales contre la double taxation se fonderaient sur des traités bilatéraux et n’auraient pas pour résultat une exonération automatique de la totalité du montant de la taxe due, mais, au maximum, une exonération automatique de celui de la taxe déjà payée dans l’autre État.
42 Troisièmement, la requérante considère qu’une disposition fiscale neutre est une disposition qui permet de choisir d’investir ou d’agir en fonction de considérations personnelles liées au marché, sans être influencé par la législation fiscale et que tel n’est pas le cas de la TTA.
43 En définitive, l’objectif de l’exonération des passagers en transit et en correspondance du paiement de la TTA serait étranger à la nature du régime fiscal et favoriserait les compagnies aériennes traditionnelles, telle qu’Aer Lingus.
44 S’agissant du grief tiré de la durée excessive de la procédure préliminaire d’examen, la Commission rappelle que, selon la jurisprudence, la notion de difficultés sérieuses, justifiant l’ouverture d’une procédure formelle d’examen, revêt un caractère objectif. De plus, si la durée excessive de la procédure préliminaire d’examen pouvait constituer un indice de l’existence de telles difficultés, elle ne suffirait pas en soi à la démontrer.
45 À cet égard, elle souligne que, dans la décision attaquée, elle a apprécié l’ensemble des cinq mesures faisant l’objet de la plainte de la requérante, qu’elle a estimé opportun d’examiner en une seule fois. Dans ce contexte, elle a par ailleurs exprimé des doutes quant à l’une desdites mesures, ce qui aurait pu influencer la durée de l’examen préliminaire, sans toutefois avoir d’incidence sur la question de savoir si elle a rencontré des difficultés sérieuses en ce qui concerne la mesure contestée.
46 S’agissant du grief selon lequel la Commission aurait procédé à un examen insuffisant, celle-ci rétorque avoir attentivement analysé et pris en considération les arguments avancés dans la plainte, en s’appuyant sur les informations fournies par les autorités irlandaises, ainsi que sur d’autres informations accessibles au public. Eu égard à l’ensemble de ces informations, elle aurait pu conclure que la mesure contestée, étant inhérente à la logique du régime de référence spécifique, ne constituait pas une aide.
47 S’agissant du courriel du fonctionnaire irlandais, elle précise qu’il n’aurait visé qu’à confirmer l’exactitude de l’interprétation de la Commission quant au fonctionnement de la mesure contestée.
48 Plus particulièrement, dans le cadre de sa réponse au premier moyen, la Commission, soutenue par l’Irlande et par la République fédérale d’Allemagne, souligne à titre liminaire que la mesure contestée n’est pas sélective, car elle est inhérente à la nature et à la logique du système fiscal de référence étant donné qu’elle permet, d’une part, de taxer les passagers de manière identique quel que soit l’itinéraire parcouru et, d’autre part, d’éviter la double imposition dans les cas d’un voyage prévoyant une escale. Le point 31 de la décision attaquée, précisant que le document de travail interne recommandait l’exclusion des passagers en transit et en correspondance, ne contiendrait donc aucune incohérence.
49 Selon la Commission, soutenue par l’Irlande, la requérante n’a pas compris le fonctionnement de la mesure contestée. À cet égard, elle renvoie au tableau figurant sous le point 9 de la décision attaquée, ayant trait à un exemple se fondant sur des informations fournies par les autorités irlandaises ‒ dont celles-ci auraient confirmé la pertinence après l’introduction du présent recours ‒ en ce qui concerne l’application des deux taux d’imposition différents lors d’un voyage comportant une escale. Cet exemple montrerait que seul le second départ d’un aéroport situé en Irlande est soumis au paiement de la taxe. L’ensemble du voyage serait ainsi taxé de la même manière que s’il s’agissait d’un itinéraire sans escale.
50 La mesure contestée serait inhérente à la logique et à la nature du système, dès lors qu’elle garantirait simplement qu’aucune compagnie aérienne ne soit taxée deux fois pour un même voyage, que celui-ci comprenne une escale ou non.
51 À cet égard, premièrement, elle rétorque à la requérante que la logique de la TTA est de ne percevoir la taxe au taux applicable qu’une seule fois sur l’ensemble du voyage.
52 Deuxièmement, la volonté d’éviter la double imposition, évoquée au point 32 de la décision attaquée, serait présentée comme un élément du système qui viendrait simplement s’ajouter à celui de la neutralité au regard de l’itinéraire emprunté.
53 Troisièmement, la mesure contestée permettant aux compagnies aériennes d’être taxées de la même manière pour l’ensemble d’un voyage, quel que soit le modèle économique choisi, assurerait la neutralité fiscale au niveau des compagnies aériennes, dont l’examen aurait été effectué uniquement sur la base des informations fournies par les autorités irlandaises dans leur lettre. Ainsi, le choix du type de voyage par le passager ne serait pas conditionné par le régime fiscal, dès lors qu’il ne doit pas payer la TTA deux fois lorsque son voyage comporte une escale.
54 Selon la République fédérale d’Allemagne, premièrement, la mesure contestée n’est pas sélective, dans la mesure où le fait générateur de la taxation n’est pas un départ en tant que tel, mais un voyage du lieu de départ jusqu’à la destination finale du passager. D’ailleurs, la réservation du voyage serait, indépendamment d’éventuelles escales, une opération unique d’un point de vue juridique et économique, ce qui justifierait l’exonération accordée aux passagers en transit et en correspondance par la TTA.
55 Deuxièmement, la mesure contestée n’aurait pas pour conséquence une inégalité de traitement, dès lors que les passagers voyageant d’un point A vers un point C en ayant effectué une réservation unique se trouveraient, quel que soit l’itinéraire emprunté (avec ou sans escale en un point B), dans des situations factuelle et juridique comparables.
56 Troisièmement, et à titre subsidiaire, la République fédérale d’Allemagne soutient que la mesure contestée, s’appliquant aux vols qui ne peuvent pas être considérés comme un voyage autonome, s’inscrit totalement dans le système fiscal qui est inhérent à une taxe sur le transport aérien et est ainsi justifiée par la nature et les objectifs généraux de celui-ci.
57 Aux fins de l’appréciation des arguments des parties, il convient, à titre liminaire, de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE et régie par l’article 4 du règlement n° 659/1999, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause et, d’autre part, la phase formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999. Ce n’est que dans le cadre de cette dernière, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité FUE prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir arrêt du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission, T-304/08, Rec, EU:T:2012:351, point 45 et jurisprudence citée).
58 La Commission ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire énoncée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE pour prendre une décision favorable à une mesure étatique que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette mesure soit ne constitue pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, soit, si elle est qualifiée d’aide, est compatible avec le traité. En revanche, si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure contestée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle est tenue d’adopter une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 (arrêt du 22 septembre 2011, Belgique/Deutsche Post et DHL International, C-148/09 P, Rec, EU:C:2011:603, point 77). Il découle donc de la jurisprudence que la Commission est tenue d’ouvrir la procédure prévue par l’article 108, paragraphe 3, TFUE si un premier examen ne lui a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par la question de savoir si une mesure étatique soumise à son contrôle constitue une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, du moins lorsqu’elle n’a pas pu acquérir la conviction que cette mesure, même qualifiée d’aide d’État, est, en tout état de cause, compatible avec le marché intérieur (voir arrêt du 10 mai 2000, SIC/Commission, T-46/97, Rec, EU:T:2000:123, point 72 et jurisprudence citée).
59 Il appartient donc à la Commission de déterminer, en fonction des circonstances de fait et de droit propres à l’affaire, si les difficultés rencontrées lors de l’examen d’une mesure étatique soit quant à sa qualification d’aide d’État, soit, si elle est qualifiée ainsi, quant à sa compatibilité, nécessitent l’ouverture de la procédure formelle d’examen. Cette appréciation doit respecter trois exigences (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T-388/03, Rec, EU:T:2009:30, point 89 et jurisprudence citée).
60 Premièrement, l’article 108 TFUE circonscrit le pouvoir de la Commission de se prononcer sur l’existence ou sur la compatibilité d’une aide au terme de la procédure d’examen préliminaire aux seules mesures ne soulevant pas de difficultés sérieuses, de telle sorte que ce critère revêt un caractère exclusif (voir, en ce sens, arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 59 supra, EU:T:2009:30, point 90 et jurisprudence citée).
61 Deuxièmement, lorsqu’elle se heurte à des difficultés sérieuses, la Commission est tenue d’ouvrir la procédure formelle et ne dispose, à cet égard, d’aucun pouvoir discrétionnaire (arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 59 supra, EU:T:2009:30, point 91).
62 Troisièmement, la notion de difficultés sérieuses revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée tant dans les circonstances d’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en rapport les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission pouvait disposer lorsqu’elle s’est prononcée sur la qualification d’aide de la mesure litigieuse ou sur la compatibilité de celle-ci avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 59 supra, EU:T:2009:30, point 92 et jurisprudence citée).
63 À cet égard, il convient encore de relever que la partie requérante supporte la charge de la preuve de l’existence de telles difficultés. Cette preuve peut être rapportée à partir d’un faisceau d’indices concordants, relatifs, d’une part, aux circonstances et à la durée de la phase préliminaire d’examen et, d’autre part, au contenu de la décision attaquée (arrêts du 15 mars 2001, Prayon-Rupel/Commission, T-73/98, Rec, EU:T:2001:94, point 49, et du 3 mars 2010, Bundesverband deutscher Banken/Commission, T-36/06, Rec, EU:T:2010:61, point 127).
64 Selon la jurisprudence, l’écoulement d’un délai excédant notablement ce qu’implique un premier examen dans le cadre des dispositions de l’article 108, paragraphe 3, TFUE peut, avec d’autres éléments, conduire à constater que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses de nature à faire naître des doutes quant à l’existence ou à la compatibilité d’une aide exigeant que soit ouverte la procédure prévue par l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84/82, Rec, EU:C:1984:117, points 15 et 17 ; SIC/Commission, point 58 supra, EU:T:2000:123, point 102, et Deutsche Post et DHL International/Commission, point 59 supra, EU:T:2009:30, point 88).
65 Il ressort également de la jurisprudence que le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la phase préliminaire constitue un indice de ce que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses en ce qui concerne la qualification de la mesure contestée d’aide d’État et son éventuelle compatibilité avec le marché intérieur (voir arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 59 supra, EU:T:2009:30, point 95 et jurisprudence citée).
66 Dans le cas d’espèce, selon la requérante, l’existence de « doutes sérieux » justifiant l’ouverture de la procédure formelle d’examen est révélée par des indices tenant, d’une part, à la procédure préliminaire d’examen et, d’autre part, au contenu de la décision attaquée.
Sur les indices relevant de la durée et des circonstances de la procédure d’examen préliminaire
67 Il y a, dès lors, lieu d’examiner si la durée et les circonstances de la procédure préliminaire d’examen constituent des indices de ce que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses qui auraient dû faire naître des doutes chez elle, en vérifiant si la procédure diligentée par la Commission a notablement excédé ce qu’implique normalement un examen préliminaire opéré dans le cadre des dispositions de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
68 S’agissant de la durée de la procédure d’examen préliminaire, il doit être rappelé que, selon la jurisprudence, dans le cas où les mesures étatiques litigieuses n’ont pas été notifiées par l’État membre concerné, la Commission n’est pas tenue de procéder à un examen préliminaire de ces mesures dans un délai déterminé. Cependant, lorsque des tiers intéressés ont soumis à la Commission des plaintes relatives à des mesures étatiques n’ayant pas fait l’objet de notification, l’institution est tenue, dans le cadre de la phase préliminaire prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, de procéder à un examen diligent et impartial de ces plaintes, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité relatives aux aides d’État. Il en résulte, notamment, que la Commission ne saurait prolonger indéfiniment l’examen préliminaire de mesures étatiques ayant fait l’objet d’une plainte, cet examen ayant seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la qualification des mesures soumises à son appréciation et sur leur compatibilité avec le marché intérieur (voir arrêt SIC/Commission, point 58 supra, EU:T:2000:123, points 103, 105 et 107 et jurisprudence citée ; arrêts du 12 décembre 2006, Asociación de Estaciones de Servicio de Madrid et Federación Catalana de Estaciones de Servicio/Commission, T-95/03, Rec, EU:T:2006:385, point 121, et du 27 septembre 2011, 3F/Commission, T-30/03 RENV, Rec, EU:T:2011:534, point 57).
69 Le caractère raisonnable de la durée d’une procédure d’examen préliminaire doit s’apprécier en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, des différentes étapes procédurales que la Commission doit suivre et de la complexité de l’affaire (arrêts du 10 mai 2006, Air One/Commission, T-395/04, Rec, EU:T:2006:123, point 61, et 3F/Commission, point 68 supra, EU:T:2011:534, point 58).
70 En l’espèce, il importe de relever que la décision attaquée, en date du 13 juillet 2011, a été adoptée au terme d’une phase préliminaire d’examen entamée le 21 juillet 2009, date de la réception de la plainte de la requérante, soit près de 24 mois plus tôt, et, en tout état de cause, près de 21 mois après que la Commission a reçu la lettre des autorités irlandaises, qui contient, ainsi que l’a confirmé cette dernière dans ses écritures et lors de l’audience, les seules observations fournies par lesdites autorités sur lesquelles la Commission a exclusivement fondé son analyse de la mesure contestée. Pour expliquer cette durée, la Commission fait valoir que la plainte visait plusieurs aspects liés à l’application de la TTA et qu’elle s’est efforcée d’en traiter tous les aspects ensemble, en émettant d’ailleurs des doutes quant à la compatibilité d’une des mesures contestées, à savoir celle concernant l’application durant la période allant du 30 mars 2009 au 1er mars 2011 d’un taux différencié pour les vols nationaux, ce qui a donné lieu à l’ouverture de la procédure formelle d’examen visant exclusivement cette dernière mesure (voir point 9 ci-dessus).
71 Or, il y a lieu de considérer que de tels délais excèdent notablement ce qu’implique normalement un premier examen, dont le seul but, ainsi qu’il a été rappelé au point 57 ci-dessus, est celui de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la qualification des mesures soumises à son appréciation et sur leur compatibilité avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt SIC/Commission, point 58 supra, EU:T:2000:123, point 107).
72 À cet égard, l’argument de la Commission selon lequel la durée de la procédure aurait été influencée par le fait que la plainte de la requérante visait un ensemble de cinq mesures liées, mais distinctes, dont une a fait l’objet de l’ouverture de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, et que la décision attaquée constitue en fait un assemblage de décisions relatives à toutes ces mesures, ne saurait justifier, à lui seul, la durée excessivement longue de l’examen qui vient d’être constatée. D’ailleurs, la Commission n’a pas indiqué quelle aurait été l’utilité spécifique en l’espèce de procéder à une analyse globale des cinq mesures mises en cause et, plus particulièrement, de ne pas séparer l’examen de la mesure ayant abouti à l’ouverture de la procédure formelle d’examen des autres mesures, compte tenu du fait que ces dernières, y compris celle contestée, ne soulevaient aucun doute, ainsi qu’elle le prétend. Au demeurant, à supposer même qu’un tel argument soit fondé, rien ne permet de considérer que la mesure contestée serait complexe au point qu’elle aurait requis un examen préliminaire d’environ deux années. En effet, dans la mesure où la Commission a essentiellement fondé sa conclusion quant à l’absence de qualification d’aide d’État de la plupart des mesures mises en cause sur l’examen de l’article 55 de la loi de finances, il n’apparaît pas que la Commission ait été obligée de conduire des vérifications extensives des faits ou à prendre d’autres mesures nécessitant un temps important.
73 En outre, il ne ressort pas du dossier qu’il y ait eu des échanges ayant contribué à allonger la durée de l’examen préliminaire. Ainsi que l’a indiqué la Commission dans sa duplique et confirmé lors de l’audience, sa lettre du 28 juillet 2009, mentionnée au point 2 de la décision attaquée, a été la seule demande de renseignements envoyée aux autorités irlandaises, au titre de l’article 10, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999. Celles-ci ont d’ailleurs répondu, le 15 octobre 2009, par des observations fondées exclusivement sur l’interprétation de la TTA, qui n’ont été suivies par aucune démarche procédurale ultérieure de la part de la Commission pouvant, le cas échéant, justifier la durée excessivement longue de l’examen. En effet, ce n’est que le 27 octobre 2011, à savoir trois mois et demi après l’adoption de la décision attaquée et un mois après l’introduction du présent recours, que les services de la Commission se sont à nouveau adressés aux autorités irlandaises afin d’avoir confirmation de la correcte compréhension des modalités d’application de la TTA concernant les vols vers les États-Unis prévoyant une escale à Shannon, résumées sous forme d’un tableau figurant sous le point 9 de la décision attaquée.
74 Il s’ensuit qu’il n’existe aucune circonstance de nature à expliquer la durée excessive de l’examen préliminaire en l’espèce. Le délai écoulé a dès lors excédé notablement ce qu’implique normalement un premier examen opéré dans le cadre des dispositions de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
75 Toutefois, ainsi que le rappelle la Commission, ce n’est que s’il est conforté par d’autres éléments que l’écoulement d’un délai, même excédant notablement ce qu’implique normalement un premier examen opéré dans le cadre des dispositions de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, peut conduire à constater que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses exigeant que soit ouverte la procédure prévue par l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir arrêt Asociación de Estaciones de Servicio de Madrid et Federación Catalana de Estaciones de Servicio/Commission, point 68 supra, EU:T:2006:385, point 135 et jurisprudence citée).
76 Il convient donc d’examiner si des éléments relatifs au contenu de la décision attaquée sont susceptibles de constituer également des indices indiquant que la Commission aurait dû éprouver des doutes au terme d’un examen préliminaire de la mesure contestée.
Sur les indices relevant du contenu de la décision attaquée et le caractère incomplet de l’examen du fonctionnement de la mesure contestée
77 À titre liminaire, il y a lieu d’observer que, ainsi que le souligne la requérante sans être contredite par la Commission, la question qui se posait en l’espèce était seulement celle de savoir si la mesure contestée présentait un caractère sélectif, la sélectivité étant constitutive de la notion d’aide. En effet, c’est sur cette seule notion que la Commission a fondé son analyse concernant la mesure contestée pour parvenir à la conclusion qu’elle ne constituait pas une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
78 À cet égard, il convient de rappeler que cette disposition interdit, en principe, les aides « favorisant certaines entreprises ou certaines productions », c’est-à-dire les aides sélectives (arrêt du 18 juillet 2013, P, C-6/12, Rec, EU:C:2013:525, point 17). Cette disposition ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (arrêt du 13 février 2003, Espagne/Commission, C-409/00, Rec, EU:C:2003:92, point 46).
79 Ainsi, une mesure par laquelle les autorités publiques accordent à certaines entreprises un traitement fiscal avantageux qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d’État, place les bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que les autres contribuables constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En revanche, des avantages résultant d’une mesure générale applicable sans distinction à tous les opérateurs économiques ne constituent pas des aides d’État au sens de l’article 107 TFUE (arrêt du 15 novembre 2011, Commission/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C-106/09 P et C-107/09 P, Rec, EU:C:2011:732, points 72 et 73 et jurisprudence citée).
80 Selon la jurisprudence, qualifier une mesure fiscale nationale de « sélective » suppose, dans un premier temps, l’identification et l’examen préalables du régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné. C’est par rapport à ce régime fiscal commun ou « normal » qu’il convient, dans un second temps, d’apprécier et d’établir l’éventuel caractère sélectif de l’avantage octroyé par la mesure fiscale en cause en démontrant que celle-ci déroge audit système commun, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre les opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif assigné au système fiscal de cet État membre, dans des situations factuelle et juridique comparables (voir arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C-78/08 à C-80/08, Rec, EU:C:2011:550, point 49 et jurisprudence citée ; arrêt P, point 78 supra, EU:C:2013:525, point 19).
81 Il ressort de la jurisprudence que ne remplit pas la condition de sélectivité une mesure qui, quoique constitutive d’un avantage pour un bénéficiaire, se justifie par la nature ou l’économie générale du système dans lequel elle s’inscrit (voir arrêt du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, C-143/99, Rec, EU:C:2001:598, point 42 et jurisprudence citée). Partant, une mesure constituant une exception à l’application du système fiscal général peut être justifiée s’il est démontré que cette mesure résulte directement des principes fondateurs ou directeurs du système fiscal de l’État membre concerné (voir arrêt Paint Graphos e.a., point 80 supra, EU:C:2011:550, point 65 et jurisprudence citée).
82 C’est donc à l’aune de ces considérations qu’il convient d’apprécier si la Commission a effectué un examen complet et suffisant de la mesure contestée et si elle était en possession de tous les éléments lui permettant de conclure, au terme d’un premier examen, que ladite mesure n’était pas sélective et ne constituait donc pas une aide.
83 À cet égard, il convient de rappeler que, au point 32 de la décision attaquée, la Commission a considéré que l’objectif et la structure du système de la TTA était de taxer les passagers partant d’un aéroport situé en Irlande afin de générer des recettes pour le budget de l’État. Selon elle, si la TTA avait été appliquée aux passagers en transit et en correspondance, la compagnie aérienne aurait pu avoir à payer ladite taxe deux fois pour un voyage comportant une escale. Dès lors, elle a estimé que l’exonération de la TTA accordée aux passagers en transit et en correspondance, qui avait pour conséquence que les passagers sont taxés de la même façon indépendamment de l’itinéraire effectué, aurait été conforme à la nature et à la logique du système fiscal en cause. Par ailleurs, à cet égard, la Commission a fait sienne la thèse exposée dans la lettre des autorités irlandaises, selon laquelle c’est la première étape du voyage qui ferait l’objet de l’exonération du paiement de la TTA (voir point 20 de la décision attaquée), en faisant figurer, à titre d’exemple, sous le point 9 de la décision attaquée, un tableau visant notamment à résumer les modalités de taxation d’un vol de New York à Dublin et vice versa, avec une escale à Shannon. En outre, l’objectif d’éviter la double taxation aurait justifié que les passagers en transit et en correspondance ne soient pas concernés par la TTA. L’absence d’imposition de la TTA aux passagers en transit et en correspondance étant, selon la Commission, dans la nature et la logique du système, celle-ci n’était donc pas sélective (voir point 32 de la décision attaquée).
84 Il y a lieu d’observer que, dans le développement de son raisonnement, s’articulant globalement en trois points de la décision attaquée (voir points 30 à 32 de la décision attaquée), la Commission a fait une référence explicite, tout d’abord, à ce que les autorités irlandaises ont dit dans leur lettre sur les raisons de neutralité, du point de vue du passager, de l’exonération de la TTA pour les passagers en transit et en correspondance, en évoquant notamment la circonstance que les pays ayant institué des taxes semblables exonéreraient pour des raisons analogues les mêmes catégories de passagers (voir point 30 de la décision attaquée). Il ressort du point 20 de la décision attaquée que le pays auquel les autorités irlandaises se sont référées comme point de comparaison est le Royaume-Uni.
85 Ensuite, la Commission s’est référée explicitement au document de travail interne (voir point 31 de la décision attaquée), dans lequel serait recommandée l’exonération des passagers en transit et en correspondance pour des raisons de neutralité fiscale ainsi que pour éviter le risque d’une double taxation, dans le cas où l’aéroport de départ se trouvait dans un autre État membre appliquant une taxe sur le transport aérien semblable.
86 En revanche, elle n’a pas examiné, dans ce contexte, les modalités concrètes d’application de l’exonération en cause et n’a pas abordé la question de savoir si l’article 55 de la loi de finances devait être interprété en ce sens qu’il prévoyait l’exonération du paiement de la TTA pour la première étape du voyage ou en ce sens qu’il prévoyait une exonération pour la seconde étape du voyage.
87 À cet égard, la Commission, après avoir rappelé, au point 9 de la décision attaquée, les définitions respectives, aux termes de l’article 55 de la loi de finances, de « passager en correspondance » et de « passager en transit », le premier étant le passager « qui arrive à un aéroport par un vol et qui repart de cet aéroport par un autre vol » et le second étant celui « qui est à bord d’un avion qui atterrit à un aéroport au cours de son voyage et qui poursuit son voyage à bord de cet avion », s’est bornée à indiquer, dans le tableau susmentionné, que, dans le cas d’un vol Dublin-Shannon-New York, la TTA à payer serait de dix euros. En se fondant exclusivement sur la lettre des autorités irlandaises et en reprenant notamment le même exemple utilisé par celles-ci, la Commission a donc repris à son compte le fait que la partie du voyage exonérée du paiement de la TTA était la première.
88 Or, s’il est vrai que, comme le prétend la Commission, elle n’aurait eu, en principe, aucune raison de douter des informations contenues dans la lettre des autorités irlandaises, force est de constater que, même en suivant l’interprétation de ces dernières selon laquelle toute première étape d’un voyage incluant une escale serait exonérée du paiement de la TTA (voir point 20 de la décision attaquée), les exemples reproduits dans le tableau figurant sous le point 9 de la décision attaquée ne sont pas de nature à étayer une telle interprétation. En effet, si tel pourrait être le cas s’agissant de l’exemple relatif aux passagers allant de Dublin à New York, en faisant une escale à Shannon, qui auraient été assujettis au paiement de la TTA de dix euros, en revanche, il n’est pas clair, et la Commission ne l’explique pas, pourquoi les passagers faisant l’itinéraire inverse, à savoir de New York à Dublin avec la même escale, ne seraient pas assujettis au paiement de la TTA pour le départ de l’aéroport d’escale de Shannon. Or, au vu des définitions de passagers en transit et en correspondance indiquées à l’article 55 de la loi de finances, dont le libellé n’exclurait pas une interprétation différente du fonctionnement de l’exonération de la TTA de celle retenue par la Commission, et au vu également des informations succinctes fournies par les autorités irlandaises à cet égard, la Commission aurait dû demander à ces dernières des précisions ultérieures, en exigeant, afin de dissiper tout doute possible, que des exemples concrets d’application de l’exonération soient fournis.
89 Dans ce contexte, il convient également de relever que le fait que les services de la Commission aient estimé nécessaire, après avoir adopté la décision attaquée et à la suite de l’introduction du présent recours, de demander à un fonctionnaire irlandais de leur confirmer que l’interprétation qu’ils avaient tirée de la lettre des autorités irlandaises, concernant l’exonération de la TTA accordée aux passagers en transit et en correspondance pour les vols Dublin-New York avec une escale à Shannon (voir point 73 ci-dessus), était correcte, peut être considéré, à son tour, comme un indice de la persistance de doutes de la part des services de la Commission à cet égard.
90 Par ailleurs, en se référant, au point 30 de la décision attaquée, à la circonstance que, selon les autorités irlandaises, des raisons de neutralité inspireraient également les exonérations pour les mêmes catégories de passagers accordées par d’autres systèmes de taxation du transport aérien existant dans d’autres États membres, alors qu’au point 20 de la décision attaquée il est fait explicitement référence au Royaume-Uni, la Commission n’étaye pas son analyse quant aux modalités de fonctionnement de la TTA et, plus précisément, quant à l’identification de l’étape du voyage faisant l’objet de l’exonération en cause.
91 En effet, ainsi que le fait valoir la requérante dans ses écritures sans être contredite par la Commission, il ressort de la communication n° 550 de l’administration fiscale du Royaume-Uni (HM Revenue and Customs Notice 550), datée du mois d’août 2010, versée au dossier par la requérante, que l’APD au Royaume-Uni a été conçue pour être appliquée différemment de la TTA. S’agissant, plus particulièrement, de l’exonération des passagers en transit et en correspondance, l’APD ne saurait constituer un modèle de référence pertinent en l’espèce, car elle prévoit que c’est toujours la première étape du voyage, plus précisément le premier vol, qui est assujettie au paiement de la taxe, ce qui ne correspond pas à la thèse soutenue par les autorités irlandaises dans leur lettre et entérinée par la Commission dans la décision attaquée.
92 Il en est de même en ce qui concerne le document de travail interne mentionné au point 31 de la décision attaquée, aux termes duquel il serait souhaitable que, s’agissant tant des passagers en transit qu’en correspondance, ce soit la seconde étape du voyage qui doit être exonérée du paiement de la taxe sur le transport aérien (voir le point 2.1 de ce document).
93 Dans ce contexte, l’invocation de l’intention d’éviter la double taxation, qui serait, en substance, sous-jacente à l’exonération de la TTA en cause, ne permet pas non plus d’appuyer l’exemple apporté par les autorités irlandaises dans leur lettre et validé par la Commission, selon lequel, en substance, ce serait le premier vol qui ne serait pas imposé. En effet, indépendamment de la pertinence de l’argument tiré de la volonté d’éviter la double taxation, la TTA étant d’application pour tout départ d’un aéroport situé en Irlande, l’exonération ne pourrait que concerner, s’agissant des passagers en transit et en correspondance provenant d’un aéroport situé en dehors de l’Irlande et faisant une escale dans ce pays, le paiement de la TTA pour le second vol, à savoir celui décollant d’un aéroport irlandais. Cela correspondrait, en effet, à l’un des deux cas de figure évoqués dans le tableau figurant sous le point 9 de la décision attaquée, à savoir celui d’un voyage de New York à Dublin avec une escale à Shannon. Cela n’est toutefois pas cohérent, ainsi qu’il a été relevé au point 88 ci-dessus, au regard de l’autre cas de figure, à savoir celui d’un voyage de Dublin à New York avec la même escale, selon lequel l’exonération concernerait le premier vol et non le second.
94 Ces considérations ne sauraient être remises en cause par l’argument de la Commission selon lequel ne serait ni pertinente, ni d’actualité en l’espèce la question de savoir si, durant la période allant du 30 mars 2009 jusqu’au 1er mars 2011 dans laquelle les taux étaient différenciés, l’exonération concernait le paiement des deux euros applicables au premier départ ou des dix euros applicables au second départ. En effet, étant donné que l’appréciation du Tribunal porte sur l’existence d’éléments relatifs au contenu de la décision attaquée susceptibles de constituer des indices de ce que la Commission aurait dû éprouver des doutes lors de l’examen de la mesure contestée, la question de savoir de quel type d’exonération jouissaient les passagers en transit et en correspondance, durant ladite période, n’était pas dépourvue de pertinence, d’autant plus qu’elle pouvait fournir des éclaircissements quant à la finalité originaire de la mesure contestée. L’adoption par la Commission d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen concernant l’existence de taux différenciés s’agissant de la période susmentionnée n’empêche pas le Tribunal d’apprécier si la circonstance qu’elle n’était pas complètement éclairée sur les modalités de fonctionnement de la mesure contestée pouvait constituer un indice de l’existence de doutes que la Commission aurait dû éprouver et qui auraient justifié l’ouverture de la phase formelle d’examen également pour ce dernier aspect.
95 S’agissant, ensuite, de l’objectif d’éviter la double taxation invoqué au point 32 de la décision attaquée, il y a lieu d’observer que, ainsi qu’il a été indiqué au point 83 ci-dessus, la Commission a précisé qu’un tel objectif justifierait que les passagers en transit et en correspondance ne soient pas concernés par la TTA, après avoir constaté, au point 31 de la décision attaquée, que, dans son document de travail interne, l’exonération de tels passagers était recommandée non seulement pour des raisons de neutralité, mais également pour éviter le risque d’une double taxation dans le cas où l’aéroport de départ, situé dans un autre État membre, imposerait une taxe sur le transport aérien analogue. Contrairement à ce qu’a fait valoir la Commission lors de l’audience, dans l’économie du raisonnement l’ayant conduite à conclure que la mesure contestée n’était pas sélective, la prise en compte de la prétendue finalité d’éviter la double taxation n’a pas été un élément secondaire ou, en tout état de cause, redondant de son analyse.
96 À cet égard, force est de constater que, dans la lettre des autorités irlandaises, aucune référence explicite n’a été faite à cet objectif spécifique. Il est donc possible d’inférer que la justification tirée de la nécessité d’éviter la double taxation, invoquée au point 32 de la décision attaquée, est, pour l’essentiel, inspirée du document de travail interne de la Commission, lequel visait à étudier une possible contribution fondée sur les tickets des compagnies aériennes comme nouvelle source de financement de l’aide au développement ayant vocation à être appliquée au niveau international.
97 Or, si, ainsi que semble le suggérer clairement la référence explicite au document de travail interne contenue au point 31 de la décision attaquée, la notion de double taxation en cause est celle configurée dans ledit document, dont le but serait d’éviter que le même passager soit taxé une première fois lors du départ d’un aéroport situé en dehors de l’Irlande et une seconde fois lors du départ de l’aéroport d’escale situé en Irlande, il convient de relever, au surplus des considérations déjà faites au point 93 ci-dessus, qu’il ne ressort ni de l’article 55 de la loi de finances ni de la lettre des autorités irlandaises que le système d’exonération de la TTA vise à éviter une telle double taxation transfrontalière. Si, en revanche, ainsi que l’a soutenu la Commission lors de l’audience, la référence à l’objectif d’éviter la double taxation poursuivi par la mesure contestée devait être comprise dans une acception qui s’éloigne sensiblement de celle retenue dans le document de travail interne, à savoir comme visant à éviter qu’un passager ne soit taxé deux fois en Irlande pour deux départs liés au même voyage, il convient de relever qu’une telle interprétation n’est pas étayée, ainsi qu’il vient d’être constaté, par l’articulation du raisonnement figurant aux points 31 et 32 de la décision attaquée et que, en tout état de cause, elle ne saurait pas non plus s’appuyer sur le libellé de l’article 55 de la loi de finances, aux termes duquel le redevable de la TTA est la compagnie aérienne et non le passager.
98 Ainsi, l’évocation par la Commission d’une telle finalité de la mesure contestée ne se rapportant pas à une analyse de son fonctionnement réel, la juxtaposition de celle-ci, opérée par la Commission dans la décision attaquée, à celle dite de neutralité invoquée dans la lettre des autorités irlandaises pour justifier la mesure contestée constitue un autre indice du caractère incomplet et insuffisant de l’examen effectué par la Commission.
99 Enfin, il y a lieu de relever qu’il ressort de la lettre des autorités irlandaises que celles-ci, après avoir indiqué les raisons pour lesquelles elles considéraient l’exonération en cause comme justifiée, ont pourtant estimé que l’argument invoqué par la requérante dans sa plainte, ayant trait à l’impossibilité pour ses passagers utilisant deux vols pour arriver à leur destination finale de se prévaloir d’une telle exonération, était valable. Elles se sont ainsi déclarées prêtes à y remédier en amendant, le cas échéant, la loi sur ce point spécifique.
100 Tout en prenant en compte les arguments soulevés dans la plainte de la requérante, les autorités irlandaises ont donc reconnu que les modalités d’application de l’exonération de la TTA aux passagers en correspondance pouvaient causer des problèmes, s’agissant notamment de l’une des deux conditions qu’il fallait remplir pour en bénéficier, à savoir celle de la réservation unique des deux vols concernés, l’autre étant liée à l’intervalle maximal de temps de six heures entre l’heure prévue d’arrivée du premier vol et l’heure prévue de départ du second vol (voir point 2 ci-dessus), dans la mesure où une telle condition empêcherait la requérante ainsi que toute autre compagnie aérienne n’utilisant pas ce type de réservation de bénéficier d’une telle exonération. Les autorités irlandaises n’ont d’ailleurs pas exclu, à tout le moins d’un point de vue théorique, qu’il serait possible de remédier à cette situation en supprimant la condition de la réservation unique.
101 Or, il convient de constater que, en dépit du fait que la Commission a affirmé, dans ses écritures et à l’audience, avoir examiné la mesure contestée sur la base des informations fournies par les autorités irlandaises qu’elle a d’ailleurs estimé être complètes et satisfaisantes, ses services ont complétement négligé cet aspect. Celles-ci soulevaient pourtant certains doutes quant au fonctionnement de l’exonération qui auraient dû être pris en compte dans l’appréciation de la question de savoir si la mesure contestée était de nature à favoriser certaines entreprises par rapport à d’autres, lesquelles se trouveraient, dans des situations factuelle et juridique comparables, et si cela était justifié par la nature ou l’économie générale du système dans lequel elle s’inscrivait. Un examen suffisamment exhaustif de la mesure contestée aurait exigé, à tout le moins, une prise de position de la Commission au regard de ladite allégation des autorités irlandaises.
102 En définitive, contrairement à ce que soutient la Commission, il existe des incohérences entre le contenu de la lettre des autorités irlandaises ayant inspiré l’examen de la mesure contestée et la décision attaquée.
103 De telles incohérences permettent de conclure que, dans les circonstances de l’espèce, la Commission ne disposait pas, à la date de la décision attaquée, et cela en dépit du laps de temps qui s’était écoulé entre la réception de la lettre des autorités irlandaises et l’adoption de la décision attaquée, d’informations lui permettant d’effectuer, conformément aux principes jurisprudentiels rappelés aux points 80 et 81 ci-dessus, une analyse suffisamment complète de la nature sélective de la mesure contestée, compte tenu également des doutes soulevés par les autorités irlandaises dans leur lettre au regard de la condition de la réservation unique nécessaire pour obtenir l’exonération de la TTA, et lui permettant de conclure que la question liée à tout le moins aux modalités d’application de cette exonération ne soulevait pas de doutes.
104 Par ailleurs, lors de l’audience, la Commission, soutenue par l’Irlande, a, à maintes reprises, fait valoir que, dans son examen, elle aurait pris en compte tous les aspects de la mesure contestée soulevés par la requérante dans sa plainte, tout en précisant que certains griefs de la requérante n’auraient été évoqués que dans ses écritures.
105 Dans la mesure où un tel argument pourrait être compris comme visant à soutenir le caractère complet de l’examen de la mesure contestée effectué par la Commission, il doit être rappelé que le fait que le plaignant n’ait pas soulevé certains arguments n’implique pas que la Commission n’a pas l’obligation, le cas échéant, d’instruire une plainte en allant au-delà du seul examen des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant. En effet, selon la jurisprudence, la Commission est tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité FUE relatives aux aides d’État, de procéder à un examen diligent et impartial de la plainte, ce qui peut rendre nécessaire qu’elle procède à l’examen des éléments qui n’ont pas été expressément évoqués par le plaignant (arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C-367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 62).
106 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de conclure qu’il existe un ensemble d’indices objectifs et concordants, tirés de la durée excessive de la procédure d’examen préliminaire et du contenu partiellement incomplet et insuffisant de l’examen effectué par la Commission, permettant de considérer que cette dernière n’était pas en mesure, à la date d’adoption de la décision attaquée, de surmonter toutes les difficultés sérieuses rencontrées en ce qui concerne la question de savoir si la mesure contestée soumise à son appréciation avait caractère sélectif et constituait donc une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Dans ces circonstances, et en l’absence de toute analyse sur l’éventuelle compatibilité de la mesure contestée avec le marché intérieur, il appartenait à la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen, afin de recueillir tout élément pertinent pour la vérification de l’absence de nature sélective de la mesure contestée et pour conclure éventuellement que celle-ci ne constituait pas une aide d’État, ainsi que de permettre à la requérante, et aux autres parties intéressées, de présenter leurs observations dans le cadre de ladite procédure.
107 Il s’ensuit que, en tant qu’elle porte sur l’exemption de la TTA accordée aux passagers en transit et en correspondance, la décision attaquée a été adoptée en violation des droits procéduraux de la requérante et doit, par conséquent, être annulée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs et arguments de la requérante.
Sur les dépens
108 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.
109 Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. La République fédérale d’Allemagne et l’Irlande supporteront leurs propres dépens.